AMÉRINDIEN DU QUEBEC ET CANADA

AMÉRINDIEN DU QUEBEC ET CANADA

ARGENT, TROC AVEC LES INDIENS

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Article de commerce décoratif en argent La Compagnie de la baie d'Hudson introduit l'argent en 1790 dans les régions où la concurrence avec la Compagnie du Nord-Ouest l'exige. Ce pendentif porte les initiales de la compagnie et le dessin au trait représente un castor.

À partir du milieu du XVIIe siècle jusqu'au début du XIXe siècle, les négociants de fourrure européens offrent en troc des bijoux en argent aux Indiens d'Amérique. Dès les premiers échanges (entre pêcheurs saisonniers et Indiens), l'argent joue un rôle important. Les premiers objets en argent sont des médailles et des hausse-cols militaires (c'est-à-dire des pendentifs en forme de croissant qui symbolisent le rang). Les Français, les Britanniques, les Hollandais et les Espagnols les offrent à leurs alliés amérindiens respectifs. Plus tard, apparaissent d'autres modèles, inspirés des modes et des traditions européennes, comme les croix et les coeurs Luckenbooth, gages d’amours populaires en Écosse au XVIIIe siècle. On trouve aussi communément des broches circulaires de tailles diverses, parfois décorées des motifs gravés ou des formes géométriques évidées. Des motifs indiens finissent par être reproduits dans l'argent pour fabriquer par exemple des broches circulaires et concaves qui imitent des bijoux semblables à ceux réalisés à partir de coquillages avant l'arrivée des Européens. Pour la traite des fourrures, on fabrique aussi des boucles d'oreilles, des bracelets, des bandeaux, des broches carrées et des effigies d'animaux en argent.

Les bijoux de traite sont fabriqués par des orfèvres de Québec, de Montréal, de Londres et de différentes villes américaines, dont New York, Philadelphie et Détroit. Entre 1780 et 1820, la demande est telle que les bijoux en argent deviennent un des principaux produits des orfèvres. Au Canada, les principaux orfèvres s'appellent Robert Cruickshank, Charles Arnoldi, Pierre Huguet dit Latour, Joseph Schindler et Narcisse Roy. Pour répondre à la demande des négociants de fourrure, ces maîtres vont parfois jusqu'à employer une trentaine d'autres orfèvres. Le poinçon du maître figure sur les plus gros articles en argent, mais généralement pas sur les plus petits. Les articles d'orfèvrerie de traite sont produits en grandes quantités, à partir de pièces d'argent, habituellement fondu et façonné, ou martelé en feuilles minces. La minceur de l'article est la première qualité que recherchent les commerçants, tant pour réduire le coût que pour alléger la charge pendant le transport vers l'intérieur du pays.

L'argent devient un symbole d'amitié et d'alliance et il est utilisé la première fois pour des alliances militaires lors des guerres coloniales. Plus tard, ce sont les commerçants de fourrures qui présentent des cadeaux en argent aux chefs de tribus avec lesquels ils veulent faire du troc. Cette pratique, perçue non comme un pot-de-vin, mais comme un signe de bonne volonté, reprend une tradition indienne plus souvent associée à l'échange de Wampums et symbolise une entente entre égaux. Les commerçants de fourrures finissent par se rendre compte que les objets en argent constituent une lucrative monnaie d'échange, car ils sont petits, faciles à transporter, fabriqués sur place et très recherchés par les Indiens. Un chasseur indien peut aussi facilement échanger trois peaux de castor contre une broche en argent que contre une couverture ou une lame de couteau en fer. Consciente de la vive concurrence que lui livre la compagine du Nord-Ouest, la compagnie de la Baie d’Hudson, qui siège dans les îles Britanniques, essaie de ne pas faire appel aux objets en argent dans ses échanges en raison de leur coût fort élevé, mais les succès de ceux qu'on appelle les Nord-Ouest sont tels que les Britanniques se voient forcés d'introduire l'orfèvrerie de traite en 1796. En 1821, quand ces derniers s'approprient la Compagnie du Nord-Ouest, qui a son siège à Montréal, ils éliminent tout de suite les objets en argent de leur liste des produits d'échange.

Au milieu du XIXe siècle, les orfèvres indiens commencent à fondre certains gros objets pour en faire de plus petits. Ils travailleront plus tard de l'argent neuf. Bien que cette activité s'interrompe au début du XXe siècle, un regain d'intérêt se manifeste pour la fabrication d'objets en argent aux motifs traditionnels depuis les années 60. Aujourd'hui, les Amérindiens de l'Est du pays recommencent à produire des articles en argent à l'intention de leurs clients, autochtones et autres.

Articles de troc avec les Indiens

À l'époque des premiers contacts avec les Européens, les peuples amérindiens du Canada échangent des fourrures contre des produits de fabrication européenne, dont diverses pièces de métal (p. ex. des haches, des couteaux en fer, des clous), de la corde et des vêtements usagés. Pendant cette période, le commerce des fourrures s'effectue surtout avec les pêcheurs qui débarquent le long des côtes pour y faire sécher leurs prises. Bien que ces échanges soient peu nombreux, les Européens réalisent des profits substantiels en raison de la faible valeur de leurs produits par rapport à celle des fourrures, vendues à prix fort sur le marché outre-Atlantique.

Au cours du XVIe siècle, cependant, la traite des fourrures en vient à former une activité à part entière. Des bateaux spécialement affrétés sont envoyés le long de la côte atlantique avec des cargaisons de produits manufacturés. Il s'agit alors pour les Européens d'offrir les types de produits les plus en demande, qui rapportent le plus de fourrures et au meilleur prix.

Dès le début, les haches de fer comptent parmi les objets les plus convoités. Elles sont importées au Canada français en quantité telle qu'elles vont littéralement pulluler dans de nombreuses régions du Sud de l'Ontario, jusqu'à devenir la première culture commerciale des défricheurs qui travaillent la terre. Pour fabriquer ces haches, on utilise une courte barre de fer qu'on plie autour d'un mandrin et dans laquelle on pratique une ouverture en forme de biseau. Les extrémités sont ensuite soudées et façonnées par martelage en une longue et lourde lame. Une mince pièce d'acier est généralement insérée dans la lame pour obtenir un tranchant bien aiguisé et durable.

Bien que des générations d'enfants aient grandi avec l'idée que ces haches étaient des armes, des découvertes archéologiques laissent croire que ce sont surtout les femmes qui les utilisaient, notamment pour couper les branches et les arbustes et faire du feu. Elles servaient également, de toute évidence, à bien d'autres fins.

Si la lourde hache française peut convenir aux besoins des peuples iroquoiens sédentaires, elle est beaucoup trop encombrante pour les chasseurs et les cueilleurs des forêts du Nord. Les Français introduisent alors la hache biscaïenne, plus légère et plus effilée. Celle-ci fait probablement son apparition vers la fin du XVIIe siècle, à l'époque où la compagnie de la Baie-d’hudson établit ses postes de traite à la baie James.

Les Anglais considèrent également leurs haches trop encombrantes pour les peuples algonquiens avec lesquels ils font des échanges. Ils introduisent donc un outil plu léger, qui ressemble à une hachette. Les Petites différences stylistiques entre les divers types de haches n'étaient probablement pas très significatives pour les autochtones. Pour les archéologues et les historiens, par contre, ces détails sont de première importance, puisque la distribution des différents types à travers une région permet de reconstituer les routes de traite qui partaient de différents centres commerciaux.

De plus, si on parvient à situer l'introduction de ces différentes formes d'outils dans le marché, il devient possible de dater les sites archéologiques. Par exemple, les premiers fusils à silex dont la Compagnie de la baie d'Hudson fait le commerce à la baie James sont munis d'une platine et d'un chien plats. Cependant, comme on sait que le modèle Oakes pourvu d'un chien et d'une platine aux surfaces arrondies a fait son apparition dans le Nord-Ouest en 1682, on peut en déduire que tout site archéologique présentant le modèle Oakes est ultérieur à 1682.

Les produits du commerce changent avec le temps. Même si ces changements ne sont pas toujours datés avec précision, on peut en retracer approximativement l'époque. On peut, par exemple, évaluer l'âge d'une collection de pipes de kaolin ou de bouteilles de verre à 10 ans près. Les perles de verre et les casseroles de cuivre restent beaucoup plus difficiles à dater, bien que certains indices soient révélateurs. Ainsi, les premières grandes perles en forme d'étoile ne sont associées qu'aux premiers établissements français, et il semble que les petites casseroles de cuivre aux parois verticales ne soient apparues que beaucoup plus tard, à l'époque où la Compagnie de la baie d'Hudson en assurait l'approvisionnement.

Les peuples autochtones s'intéressent aux produits de fabrication européenne pour leur supériorité technologique : les fusils à silex, les haches en fer, les couteaux et les casseroles de cuivre sont tout simplement plus efficaces que les arcs et les flèches, les outils de pierre et les paniers d'écorce qu'ils remplacent. De même, pendant presque toute l'année, les vêtements de laine sont largement supérieurs aux vêtements confectionnés avec des peaux d'animaux. Mais le commerce ne se limite pas qu'à des produits utilitaires. Une pipée de tabac n'améliorait peut-être pas l'habileté du trappeur, mais elle le rendait probablement plus serein. Quant à sa femme et ses filles, elles auraient pu continuer à s'attacher les cheveux avec des bandes de cuir, comme l'avaient fait leurs aïeules depuis des générations, mais elles trouvaient les rubans aux couleurs vives plus attrayants.

La quantité de biens importés au cours des premières années du commerce de la fourrure est impressionnante. Ainsi, en 1684, la Compagnie de la baie d'Hudson envoie 300 fusils à silex, 2000 haches de fer, 2160 pipes en kaolin, 3000 canifs et 5000 couteaux de boucher à son poste d'Albany. Les Anglais et les Français, éternels rivaux, dominent alors le commerce des fourrures. Les Français ouvrent la voie vers l'ouest, empruntant les anciennes routes ouvertes par les canots amérindiens.

Même après la conquête de la Nouvelle-France, la rivalité commerciale se poursuit à mesure que les marchands de Montréal se dirigent vers l'ouest. À l'époque où le commerce est à son apogée, les marchands suivent la « route des voyageurs », un parcours bien établi qui s’étends de Montréal, sur le Saint-Laurent, jusqu'au fort Chipewyan, sur le lac Athabasca. Le commerce des fusils, des casseroles, des perles, des pipes, des vêtements de laine, des couvertures, en échange des fourrures, a permis l'ouverture de la moitié d'un continent et a donné au Canada sa configuration essentielle.



11/11/2013
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